Travis Scott : Les extraordinaires pochettes de ASTROWORLD (2018)


ASTROWORLD est le troisième album de Travis Scott. Sorti le 3 août 2018, il a contribué a faire découvrir l'univers énigmatique et quelque peu astronomique de l'artiste américain au monde entier. Cela a été rendu possible par la musique bien sûr, présente en qualité sur l'opus de Travis Scott, mais aussi grâce aux visuels forts mis en place par l'équipe de ce dernier. Penchons-nous donc sur l'univers et la forme d'ASTROWORLD à travers ses visuels. 

Pour cet album aux 17 titres, regroupant des styles plus que variés (trap, rap, banger, folk, etc,) et  cassant les frontières entre les genres musicaux, Travis Scott a choisi de réaliser deux pochettes différentes qui serviront de visuels pour ASTROWORLD.


POCHETTE OFFICIELLE
DE ASTROWORLD (2018)
POCHETTE SECONDAIRE
DE ASTROWORLD (2018)
















Tout d'abord, d'un point de vue contextuel, il faut savoir qu'ASTROWORLD a été créé en hommage à l'ancien parc d'attraction « Six Flags ASTROWORLD » à Houston, ville natale de Travis Scott, qui a fermé ses portes le 30 octobre 2005, laissant de nombreux amateurs de sensations fortes, comme notre rappeur, sur leur faim. Ce serait donc par nostalgie et pour rendre un hommage que le rappeur natif de Houston aurait choisi le nom d'ASTROWORLD pour titrer son album ?  

PARC SIX FLAGS ASTROWORLD - HOUSTON (TEXAS)

Oui, mais pas seulement...
En fait, on sait depuis ses débuts que Travis Scott a toujours été un esprit « planant » et décalé par rapport au monde qui l'entoure et qu'il s'est toujours créé son propre univers tant musical, que textuel et visuel. 
Ce nom correspond aussi totalement à l'univers que Travis a mis en place musicalement dans son œuvre. ASTROWORLD sonne aussi très « spatial » ou « cosmique » et plusieurs titres possèdent clairement ces attributs musicaux comme « STARGAZING » ou encore « SKELETONS », entre autres. 

Maintenant que le contexte est posé et que nous connaissons les raisons principales pour lesquelles il a intitulé l'album ASTROWORLD, voyons comment les pochettes incarnent l'univers artistique de cet opus.


Version 1 – La pochette officielle de l'album : diurne et candide 




C'est cette version qui a été retenue pour son aspect plus orthodoxe afin d'éviter toute polémique en matière de nudité, d'extravagance, etc. Il s'agit d'une photographie, prise par le fameux David Lachapelle, bien connu pour ses représentations d'univers plus fantasque les unes que les autres. 
Sur ce visuel, c'est la gigantesque tête dorée gonflable à l'effigie de Travis qui attire d'abord l'attention (voir numéro 1). Elle prend beaucoup de place sur le visuel et nous laisse penser qu'il s'agit de l'entrée d'une attraction dans un parc à thème. Métaphoriquement, on comprend que Travis compare son œuvre à une attraction pour ses fans, amateurs de toutes sensations ! Pour l'anecdote, cette tête dorée énigmatique a aussi été montrée un peu partout dans Houston peu de temps avant la sortie d'ASTROWORLD pour « teaser » l'arrivée de sa création dans sa ville de cœur. Cette tête est donc l'élément principal de ce décor. Au premier plan, on remarque des enfants joyeux et sautillants, pop-corn et sodas à la main, comme dans un vrai parc d'attraction (2). Dans le fond, des enfants et des familles se dirigent à l'intérieur de la bouche de Travis comme s'ils s'apprêtaient à faire l'attraction « TRAVIS SCOTT » (3). Certains éléments attirent l'attention, comme les confettis, la fumée, les banderoles et le pop-corn pour l'univers festif (4), la fusée pour le côté stratosphérique et spatial de l'album (5) ; mais d'autres restent plus énigmatiques, comme la voiture désaffectée notamment (6). Le tout plongé dans des couleurs très vives et contrastées (avec un ciel bleu turquoise) donnent au visuel cet aspect joyeux, d'attractions et de sensations. Pour ce qui est des détails, le logo « Parental Advisory Explicit Content » (7) est bien entendu présent, comme sur la grande majorité des albums modernes « orientés rap », ici, en bas à droite du visuel. Enfin, le fait que cette photo soit prise de jour et que des enfants soient présents symbolise le caractère innocent et pur de ce parc d'attraction et de l'album. Cependant, nous allons voir ci-dessous que le second visuel, même s'il paraît foncièrement identique au visuel principal, va dénoter avec ce dernier et montrer l'ambivalence présente dans ce pseudo parc d'attraction représenté sur la pochette et donc dans l'album ASTROWORLD. 

TÊTE GEANTE DE TRAVIS SCOTT DANS LES RUES DE HOUSTON


Version 2 – La pochette officieuse de l'album : nocturne, fantaisiste et hétérodoxe 




Sur ce visuel alternatif, on remarque que le décor et de nombreux éléments restent relativement identiques. La tête gonflable géante (1) est toujours présente faisant office d’entrée du parc et avalant les visiteurs. Le fond qui représente le parc d'attraction est toujours présent également (banderoles, confettis, fumée, pop-corn, fusée (2), etc). Le logo « Parental Advisory Explicit Content » (3) est aussi encore  notable en bas à droite du visuel. Mais l'univers de cette déclinaison est encore plus psychédélique et spéciale. De ce fait, il détonne avec l’univers de la version « orthodoxe » qui sert de version officielle. Au niveau des différences principales, on remarque que les protagonistes changent : au lieu des enfants et des familles pour le visuel plus soft, on a des show girls dénudées et aux cheveux très courts, dans des positions plus spéciales les unes que les autres (4). On remarque aussi que cette fois la voiture est en feu (5). On observe aussi la présence d’une banquette de voiture (6) au premier plan sur cette pochette nocturne, et de nombreux autres éléments plus subtils ajoutés sur cette déclinaison, comme la poupée de Travis Scott (7) utilisée pour la pochette de son album Rodeo (2015) ou encore un globe  ASTROWORLD dans le fond (8).
Le tout est une fois encore plongé dans des couleurs vives et très contrastées (avec un ciel bleu très foncé pour représenter la nuit). Ceci donne au visuel un aspect sombre, de fête déjantée, mais évoque toujours l'aspect sensationnel de l'album.

Ces déclinaisons visuelles nous montrent l'ambivalence de ce pseudo parc d'attraction : c'est comme si ce dernier avait deux facettes : le jour, les enfants et les familles se baladent au milieu d'un parc ludique et candide ; et le soir, ce dernier s’enflamme et remplace tout son côté « soft » (les enfants et familles), par un côté sombre et saupoudré de «hardcore » (showgirls, clubbeuses, par exemple), remodelé dans le cadre de l'univers ASTROWORLD.


Ce sont donc deux versions (officielle pour l'une et censurée pour l'autre) qu'offrent David Lachapelle et Travis Scott à son public le 3 août 2018 : les deux réinventent le parc tant regretté du rappeur. Ces visuels sont complémentaires et à appréhender ensemble : ils racontent une histoire et témoignent de l’ambition et de l’ambivalence de l’album. On peut observer ceci dans une interview radio où Travis racontait : 

TRAVIS SCOTT EN 2018
"ASTROWORLD, c’est une histoire différente. Je suis passé par beaucoup d’états différents. J’ai vu beaucoup de trucs différents et c’est une histoire différente que je souhaite raconter. C’est un album plus personnel. Je veux juste que les gens apprennent à me connaître, connaître la rage que je porte à l’intérieur, mais aussi ce qu’il se passe avec mon mental et ce que je suis en train de penser."

Étant donné les différentes déclinaisons visuelles, le nombre de titres et le nombre de genres musicaux et de featurings présents sur ASTROWORLD, il est difficile de se limiter à une seule version et vision de l'album ainsi que de sa pochette. C'est cette ambivalence qui construit une complémentarité entre un univers candide et l'univers sombre et psychédélique de Travis Scott aujourd'hui. Cette particularité nous permet ainsi aisément comprendre le succès (près de deux ans après) qu'a eu Travis Scott depuis le 3 août 2018 dans le monde entier grâce à son ASTROWORLD.


Personnellement, ce genre d'ambivalence d'univers créée autour d'ASTROWORLD m'a fait penser au clip vidéo de « Mein Land » (2011) du groupe Rammstein dans lequel on voit le groupe le jour en boys band et sauveteurs en mer sur une plage. Et, la nuit sur cette même plage, ils troquent leur maillots de bain rouges contre des accoutrements gothiques et métalleux pour vivre des soirées sombres, torrides et  psychédéliques à souhait. Peut-être que Travis Scott s'est inspiré de ce genre d'idée pour créer son ASTROWORLD...

RAMMSTEIN LE JOUR DANS LE CLIP MEIN LAND (2011)
RAMMSTEIN LA NUIT DANS CE
MÊME CLIP










Finalement, aujourd'hui, presque deux ans après la sortie d'ASTROWORLD, on peut tirer des conclusions pour cette œuvre. Nominée aux Grammys, sujet d'un documentaire complet de Netflix, beaucoup en témoignent : ASTROWORLD et son univers sont considérés comme un chef-d’œuvre dans le monde entier. 
Preuves à l'appui, cet album a si bien marché que Travis a pu créer son propre festival sous le nom d'ASTROWORLD en 2018 et en est déjà à sa deuxième édition qui se déroule en novembre, lors du ASTROWORLD DAY qu'a offert  Sylvester Turner (le maire de HOUSTON) à la ville et au rappeur.


SCENE DU ASTROWORLD FEST EDITION 2018

En plus de cela, le maire a été lui-même si convaincu par cet opus qu'il a annoncé qu'il allait créer un nouveau parc ASTROWORLD. Ce n'est pas tout ! Il a aussi, lors d'un concert à Houston, confié les clés de la cité à Travis Scott afin de le remercier pour sa loyauté envers la ville et envers ASTROWORLD, une superbe histoire qui mérite d'être suivie à l'avenir !! 

TRAVIS SCOTT RECEVANT EN LIVE LES CLEFS DE LA VILLE DE HOUSTON



Sources : Konbini ARTS, Look Mom I Can Fly - Travis Scott (Netflix), Wikipédia.
Photos : David Lachapelle, papercitymag.com, Wikipédia, Click2Houston, HoustonDefender, Fanoegerm.com, Affenknecht.com. 

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